Mon avis… Le couvent des damnées t. 1

TAKEYOSHI, Minoru. Le Couvent des damnées : 1. Paris : Glénat, 2017.

Seinen, 6 tomes.

Chers lecteurs et chères lectrices,

Aujourd’hui, je vous présente mon premier avis sur la série en six tomes Le couvent des damnées. Cette série m’a été recommandée par Booktrotter en 2021. J’ai lu cette série de suspense historique en juin 2022. L’été étant une période fort mouvementée, je n’ai pas pris le temps d’écrire mes avis sur la série. En rattrapage, voici ce que j’en ai pensé.

4e de couverture

« XVIe siècle, Saint-Empire romain germanique.

Une époque où des sages-femmes innocentes pouvaient être accusées de sorcellerie. Laissée seule au monde par une chasse au sorcière, la petite Ella est enfermée dans un couvent pour « enfants de sorcières ». Face à la violence de cette organisation au pouvoir immense, l’enfant aux yeux emplis d’une rage inextinguible jure vengeance contre celle qui a détruit sa vie… »

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Premières lignes : Le couvent des damnées tome 1, tome 2, tome 3, tome 4, tome 5, tome 6

Mon avis…

Minoru Takeyoshi est uniquement connu en occident pour la série Le couvent des damnées. Les événements historiques et fictifs narrés dans cette œuvre se déroulent entre 1542 et 1552, soit au 16e siècle. Tout au long de la série et en particulier dans ce premier tome, il sera question de météorologie, de sorcellerie, d’ergot du seigle et de vierge de fer.

Météorologie

Au commencement de l’histoire, Ella et ses parents enterrent le plus jeune de la famille, Emil, mort des conséquences d’une famine. 

Bien qu’il ne soit fait aucune mention dans les écrits historiques d’une famine dans ces années-là, un événement météorologique est survenu en 1540, une sécheresse. Cette sécheresse, connue dans les documents historiques, a été avérée scientifiquement pour la première fois en 2014. Pendant onze mois, les températures ont été de 5 à 7 degrés Celsius au-dessus des normales du 20e siècle (cette moyenne oscille entre -2 et 25 degrés). Durant l’été, la température a dépassé, à de nombreux endroits, les 40 degrés, l’eau était rare, des lacs étaient asséchés et des feux de forêts faisant rage en Europe. Bref, un scénario qui ressemble à celui vécu l’été dernier en Europe (2022).

Selon certaines sources, le Rhin, l’Elbe et la Seine pouvaient être traversés à gué! 

Alors que ses parents peinent à survivre, une vieille du village leur conseille de vendre Ella. Entendant le plan que ses parents ourdissent, Ella se sauve avant d’être recueillie par une guérisseuse sage-femme, Angelika, qui l’adoptera. Un jour, l’inquisiteur Wilke arrive dans le petit village et découvre une sorcière, Angelika. Angelika est jugée et condamnée devant la maîtresse et abbesse de l’ordre du Claustrum, Edelgard, qui ne craint que Dieu!

À chaque orage, Edelgard sort sur le balcon situé au pied du clocher et demande à Dieu de la foudroyer si elle n’est pas sur la bonne voie! La foudre l’évite immanquablement. Que demander de mieux qu’un clocher pour servir de paratonnerre!

Inquisition

Revenons à l’inquisition. Comme je le mentionnais, l’horreur que vit Ella commence lors de l’arrivée de l’inquisiteur Wilke et l’accusation de sorcellerie contre sa mère adoptive, Angelika.

L’histoire de l’inquisition est longue et complexe, mais essayons de vulgariser et de résumer le tout. 

En 1199, le pape Innocent III institue l’Inquisition médiévale. Son rôle est de lutter contre les hérésies. Dès lors, elle prend de l’autorité, se renforce et se propage dans la chrétienté. Au 13e siècle cette institution est à son apogée avant de décroitre et de s’éteindre au 15e siècle. S’éteindre? Pas vraiment… Disons que les braises restent chaudes, car en 1542, l’Inquisition romaine est instituée. Leur mission, lutter contre les hérésies. Eh oui! Comme quoi plus ça change, plus c’est pareil. Puis, en 1965, l’Inquisition romaine change de nom. Il y a eu également l’Inquisition espagnole et l’Inquisition portugaise.

Le nombre de victimes de l’Inquisition est inconnu. Certaines sources estiment que plus de 60 000 personnes en sont mortes. Parmi les procès les plus connus, il y a celui des templiers et celui des sorcières de Salem (Massachusetts, États-Unis). Au Québec, le procès de la Corriveau a été transformé et une légende associée à la sorcellerie est née. (Article du Devoir

Vous vous demandez sûrement ce qui est qualifié d’hérésie. En voici quelques exemples : les non-chrétiens (catharisme, protestantisme, etc.), l’homosexualité, les sorciers et les sorcières (guérisseur, sages-femmes, etc.), les bigames, les personnes dénoncées (boucs émissaires, lynchage collectif), certains livres, etc. 

Bref, difficile de brosser un portrait complet en quelques paragraphes. Je vous invite à effectuer vos recherches si le sujet vous intéresse.

Les hérétiques sont alors jugés par le tribunal de l’Inquisition qui est présidé par l’inquisiteur. Les peines encourues pour hérésie vont de : faire la charité, aller en prison ou même le bûcher. Souvent, les inquisiteurs sont zélés et abusent de leurs pouvoirs afin de recueillir les confessions. À ce moment, toutes les méthodes sont bonnes pour soutirer une confession. Diverses formes de tortures sont utilisées… 

Selon certaines études, les femmes étaient souvent désignées comme bouc émissaire en raison de difficultés économiques et à cause de la misogynie. De plus, l’exercice de professions féminines liées à la santé ou aux aliments les met en position pour être accusées de sabotage magique. Une indigestion se transforme en empoisonnement, un fromage amer idem, du lait qui tourne est dû à un sort à cause de la dispute de l’autre jour, une vache qui meurt est due à un sabbat satanique, etc. Inventez-en des causes! (Article de Geo)

Revenons à Ella et Angelika. Angelika est une guérisseuse (domaine de la santé). Par ses connaissances de la nature, elle tente de soigner les gens de son village de divers maux, dont du Feu de Sainte-Antoine. Or les temps sont durs et diverses coïncidences mènent les villageois à la dénoncer à l’Inquisition.

Torture

Soumise à la question (comprenez la torture) par l’Inquisition, Angelika finira par avouer tout et n’importe quoi afin de faire cesser le supplice de l’estrapade.

Jacques Callot, Public domain, via Wikimedia Commons

Attaché les mains dans le dos, un poids ou non attaché aux pieds, le supplicié était hissé dans les airs. Puis, le bourreau laisse tomber le supplicié, mais freine la chute avant qu’il ne touche le sol engendrant des dislocations et des arrachages de membres. S’il survit, le bourreau étrangle le supplicié avant de le jeter au bûcher. 

Cette méthode a également été appliquée par des rois contre des soldats déserteurs et des protestants. Le nom de la Place de l’estrapade, à Paris, provient de ce supplice.

Angelika a subi de telles tortures, car elle est une guérisseuse et une sages-femme.

Feu de Saint-Antoine

Ne pouvant laisser les villageois souffrir, Angelika utilisait ses connaissances en médecine afin de guérir de nombreux maux, dont le feu de Saint-Antoine. 

Qualifié comme la peste du 10e siècle, le feu de Saint-Antoine cause des hallucinations, des convulsions et d’atroces sensations de brûlure conduisant à la perte de membres.

Certains malades se rendaient aux reliques de Saint-Antoine et en revenaient guéris. C’est ainsi que l’association entre Saint-Antoine et la sensation de brûlure donna le nom à la maladie. La guérison serait causée par le changement d’alimentation des malades durant leur pèlerinage. Se nourrissant de blé, ils échappent ainsi aux ravages de Claviceps purpurea.

Stiller Beobachter from Ansbach, Germany, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons

Le Claviceps purpurea est un champignon poussant sur le seigle soumis à certaines conditions météorologiques. En se développant, les épis de seigle voient apparaître des excroissances vénéneuses appelées ergots. Lorsque ces grains contaminés sont moulus en farine, transformés en pain, puis mangés, les alcaloïdes toxiques de l’ergot s’accumulent dans l’organisme et coupent l’apport en sang des membres. Plus l’individu s’intoxique, moins il y a de sang. Moins il y a de sang, plus la sensation de brûlure augmente et le membre noircit. Finalement, la gangrène se joint à la partie et cause la chute des membres atteints. Cette maladie se nomme l’ergotisme.

Après la condamnation d’Angelika, Ella ainsi que les autres filles de sorcières, sont envoyées en rééducation au couvent du Partage des Eaux. Ce couvent cloîtré est géré par l’abbesse Edelgard. Damnées par leur condition de filles de sorcières, elles vivent mille et une peines aux mains des sœurs administrant le couvent afin d’expier le prétendu péché de leur mère pourtant déjà jugée par l’inquisition. 

Ce couvent des damnées fait subir aux jeunes femmes les pires supplices. Mutilation, sévices corporels, tortures, privations et même drogue rythment désormais le quotidien. 

Ella et quelques autres aspirantes, plus dégourdies et réfractaires, percent le mystère et s’entraident pour survivre. Parmi leurs initiatives, elles refusent de digérer la manne (repas) qui leur est donnée. Afin d’éviter la digestion et éviter de se faire prendre, elles se font vomir dans l’enclos des cochons. Omnivore de nature, les porcs font le ménage derrière Ella et les aspirantes leur évitant ainsi de se faire attraper à refuser la mane. Rapidement, les effets de la manne se font sentir sur les autres aspirants qui voient des amandiers en fleurs. Amandier qui ne sont qu’une hallucination provoquée par la manne qui est un produit transformé de l’ergot du seigle, une drogue découverte en 1938, le LSD. 

Je doute que le LSD soit synthétisable en plein moyen-âge, mais, après tout, nous sommes dans de la fiction.

À partir de 1918, les pharmaceutiques découvrent les bienfaits de l’ergot du seigle. Certains médicaments antimigraineux en contiennent toujours. Le chimiste Albert Hoffman synthétise par hasard en 1938 une molécule hallucinogène, le LSD. De nombreuses expériences ont été menées afin de lui trouver une utilité (lutte contre les psychoses, arme incapacitante, sérum de vérité). S’en sont suivi de nombreuses réglementations à travers le monde.

Vierge de fer

Le manga commence sur les berges du Rhin en Allemagne, aux alentours des années 2000, par la découverte d’une vierge de fer lors du dragage du Rhin. À l’intérieur, une inscription, « 1552 En mémoire du sang versé au Partage des eaux ». Prémisse alléchante, recherche archéologique, analepse possible, tout pour captiver. Malheureusement, aucune suite archéologique ne suit au cours des six tomes ni même d’analepse. À mon avis, c’est une occasion ratée.

Néanmoins, la vierge de fer fait quelques apparitions au cours des tomes, car elle est l’une des quêtes de l’inquisiteur Wilkes et de l’abbesse Edelgard. Plus de détails avec mon avis sur le tome 6…

Une vierge de fer ou vierge de Nuremberg est un instrument de torture en forme de sarcophage hérissé de pointes de fer. Lors de la fermeture, le malheureux qui y est enfermé est lentement transpercé par les pointes de fer jusqu’à ce que mort s’ensuive. 

Une mention de cette torture a été consignée par Saint-Augustin et concerne un supplicié à Carthage en -250. Puis, jusqu’à la fin du 18e siècle, aucun écrit à ce sujet. Quelques légendes et ouï-dire, mais rien d’écrit. Parmi les exemplaires de vierge de fer, aucun n’est considéré authentique ou ayant servi. 

Ça me rappelle d’ailleurs l’étouffoir de la directrice Trunchbull, ou Legourdin selon la traduction, du film Matilda. Un sombre placard hérissé de piques et de morceaux de verre.

Conclusion

Passionnant! J’ai dévoré le tome!

Je ne me suis certes pas précipité pour écrire cet article, mais ce n’est certainement pas par manque de matière. Manque de temps peut-être? Ampleur des articles à écrire? Je ne sais pas.

Ce premier tome frappe fort. Solidement ancré dans l’atmosphère du moyen-âge, de l’Inquisition, du feu de Saint-Antoine et de la chasse aux sorcières, ce tome nous fait découvrir le quotidien d’une jeune fille au caractère bien trempé qui lutte pour sa survie et l’accomplissement d’une vengeance.

À bientôt, je l’espère, pour l’article portant sur le tome 2.

Galerie d’image

Voici quelques images de ce tome

photo première page


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