Fire punch — Chronique

FUJIMOTO, Tatsuki. Fire Punch. Paris, Kazé, 2016-2018
Seinen
Série terminée, 8 tomes

Résumé

Les « Élus » sont des humains qui possèdent des pouvoirs surnaturels. Un jour, un de ces « Élus », la sorcière de glace, plonge le monde (tel qu’on le connaît) dans une nouvelle ère glaciaire. S’ensuivent la famine et le chaos. Lorsque la famine se fait sentir et que l’instinct de survie apparaît, tout devient possible afin de survivre.

Agni et sa sœur Luna ont environ 12 ans lorsqu’ils arrivent dans un village peuplé de gens plus ou moins âgés qui les recueillent. Agni et Luna, qui sont des « Élus », utilisent leur pouvoir de régénération afin de se mutiler et de faire survivre le maximum d’habitants. Un jour, Agni a alors 15 ans, un bataillon de Behemdolg (la résistance qui s’organise contre la sorcière de glace) arrête au village pour se ravitailler après une bataille. Fouillant le village, les soldats trouvent de la chair humaine. Doma, chef du bataillon, réduit en cendre le village avec son feu qui ne s’éteint pas. À cause de sa faculté de régénération extraordinaire, Agni survit et sa haine, comme le feu de Doma, le dévore inlassablement…

Par où commencer?

Publié au Japon comme shonen, un manga pour les adolescents, Fire punch est édité en français aux éditions Kazé comme un seinen, un manga pour les jeunes adultes (15-30 ans).  L’éditeur déconseille la lecture aux moins de 16 ans. En lisant cette série, on comprend facilement pourquoi les éditions Kazé en sont venues à cette conclusion.

Death note, Vinland saga et Hellsing sont également destinés à un auditoire de jeunes adultes. Cependant, Fire punch a quelque chose que les séries précédemment citées n’ont pas. Ce quelque chose nous percute de plein fouet et il heurte tôt ou tard la sensibilité du lecteur. Ce manga montre les réactions que les humains peuvent prendre en cas de situations extrêmes, voire désespérées. La série vient capter la corde sensible des humains, comme lors des combats d’arènes (1er siècle av. J.-C. au 5e siècle environ), les pendaisons (5e siècle à aujourd’hui (les pendaisons publiques ont été faite du 5e siècle au 19e siècle)) et les exécutions du 18e siècle (Guillotine sur la place de la concorde en France). L’humain veut voir, mais, en même temps, il ne veut pas vraiment y assister.

Fujimoto pose les fondations de sa première longue série dans un cadre post-apocalyptique rarement employé, un monde de glace, des pôles jusqu’à l’équateur. L’action de cette série de science-fiction se déroule quelques siècles après le nôtre. La Terre est devenue un désert de glace où tous luttent pour leur survie. Alors que les survivants se rassemblent à Behemdolg et que la résistance contre la sorcière de glace s’organise, les humains dotés de dons sont privilégiés aux dépens de ceux qui n’en ont pas. Des soldats de Behemdolg s’arrêtent au village d’Agni et de Luna pour se réapprovisionner. Après avoir découvert que certains humains mangeaient de la chair humaine, Doma a utilisé son don de feu inextinguible pour brûler le village. Alors que les soldats s’éloignent, Agni et Luna, eux aussi consumés par le feu, assistent à la fin du village. Avant de mourir, Luna dit à Agni qu’il doit vivre. Constamment régénéré par son puissant don, Agni jure de tuer Doma… Huit longues années passent, pendant lesquelles Agni apprivoise la douleur, habité par la haine il se met en marche pour accomplir sa vengeance.

FUJIMOTO, Tatsuki. Fire Punch. Paris, Kazé, 2016-2018, t. 1 p. 49

Thèmes

La vengeance et le pardon

Durant la série, l’auteur aborde plusieurs thèmes, dont la vengeance, comme dans Vinland Saga. Agni a dû prendre huit ans pour gérer la souffrance occasionnée par le feu de Doma, il s’est concentré sur son désir de vengeance, l’a ruminé et cela lui a permis de survivre.

Puis, au fil des rencontres, Agni réalise que la vengeance ne lui apportera rien. Ni soulagement ni réconfort. Agni se rend compte que la seule chose qu’il peut faire c’est pardonner à son bourreau et le laisser vivre avec sa culpabilité jusqu’à ce qu’il meurt.  Ce second thème pousse notre protagoniste à évoluer et à apprendre à dominer sa colère comme Thorfinn dans Vinland Saga.

FUJIMOTO, Tatsuki. Fire Punch. Paris, Kazé, 2016-2018, t. 1 p. 104

Le pardon façonnera la suite de l’histoire et il introduira la troisième thématique, l’immortalité. Agni entreprend alors un nouveau chapitre de sa vie, prisonnier de son don de régénération.

L’immortalité

Le don d’Agni est si puissant qu’il le rend presque immortel et qu’il permet à l’auteur d’aborder de nombreux sujets : le cannibalisme, la vie, la souffrance, le sacrifice, la morale, la religion, la sexualité et la dualité. Dès le début du manga, Fujimoto traite du cannibalisme et de la morale se rattachant aux différentes perspectives du sacrifice qu’effectue Agni. Fujimoto aurait trouvé l’inspiration pour le personnage d’Agni auprès d’un personnage emblématique du 8e art, la télévision, Anpanman. Ce personnage pour enfant sacrifie une partie de sa tête en haricot rouge pour nourrir les affamés. Comme Anpanman, Agni sacrifie une partie de son corps afin de permettre à certains de survivre. Là où les uns y voient une bénédiction, les autres n’y voient qu’une abomination qui mènera à de futures dérives.

Alors que le village est réduit en cendres par les flammes de Doma, l’auteur commence à traiter de la mort, de la vie et de la souffrance. Que ce soit par la douleur qu’occasionne l’affrontement entre son don et le feu de Doma ou ses sacrifices afin de nourrir la population ou bien encore par la vie et la mort de certains personnages, Fujimoto présente, tout au long de la série, un Agni tiraillé.

Les lois

Au cours de l’histoire, le mangaka invite le lecteur à réfléchir à certains sujets comme les lois, l’égalité, l’esclavage et la religion. Afin d’éviter les dérives, comme le cannibalisme, des règles et des lois humaines ou divines sont suivies. Ces mêmes lois existent parfois afin d’éviter que des situations deviennent problématiques, alors que d’autres doivent être abolies afin de s’adapter. Behemdolg n’est pas un modèle d’adaptation, mais bien un exemple inventé par l’auteur. Alors que l’hiver forcit, les dirigeants possédants des dons ont droit à des privilèges et tous les habitants doivent gagner leur croûte pour permettre à la civilisation de perdurer. L’égalité n’est pas une valeur favorisée par cette civilisation. C’est deux poids deux mesures. C’est ainsi que Sun, un jeune garçon possédant un pouvoir d’électricité, et Neneth se voient confier à un soldat. Ce soldat découvre le pouvoir de Sun, qui se défendait, et il l’envoie comme esclave afin qu’il se sacrifie pour gagner sa croûte. Alors que Sun est prisonnier, il raconte à ses camarades comment le dieu Agni est venu le secourir. Grâce à Sun, le sujet de la religion fait son apparition. Il devient d’ailleurs le dirigeant d’une nouvelle religion : l’Agnisme (Agni + isme).

La sexualité

L’auteur aborde également la sexualité dans sa série. Au début de l’histoire, Luna propose à Agni, son frère, de faire un enfant, car ils sont les deux seuls jeunes du village. Par cette proposition de Luna, rejetée par Agni, l’auteur laisse apparaître l’inceste. Plus loin, Sun et Naneth sont aux mains d’un soldat qui souhaite satisfaire ses désirs d’ordre sexuel. (Rien n’est fait ou montré) Plus tard, Togata parlera de son secret. Elle est en réalité un homme coincé dans corps d’une femme.

La dualité

En révélant son secret, Togata vient perturber une grande thématique du manga, abordée par Fujimoto alors qu’il parle d’inceste, la dualité. Plus tard, lors de la scène avec le soldat, la dualité refait son apparition en opposant le puissant soldat contre Neneth et Sun qui sont faibles. Les esclaves sont sacrifiés et dominés et les soldats sont les dominants. Pour Behemdolg, seuls les dominants ont une chance de vivre en attendant leur mort. La dualité est omniprésente dans cette œuvre.

Le mangaka aborde plusieurs thèmes et sujets qui demeureront peu approfondis, mais qui apporteront beaucoup à l’histoire. À aucun moment Fujimoto ne suggère ce qui est bien ou mal. De plus, en approfondissant peu les thématiques et les sujets, il invite le lecteur à réfléchir et à se faire sa propre opinion de ce monde régi par Behemdolg.

Le 7e art

Tout au long de son œuvre, Fujimoto traite du 7e art : le cinéma. D’ailleurs, l’origine de Behemdolg, cette ville où l’humanité tente de survivre est tirée d’une histoire ou plutôt d’un film inventé pour Fire punch. Ce film, Behemdolg l’utilise comme propagande et pour justifier les actes de ses soldats. En arrivant dans un village, Doma tombe sur une impressionnante collection de films et il trouve le film de propagande utilisé par Behemdolg. S’apercevant de la supercherie mise en place par les dirigeants de Behemdolg et voulant préserver la ville, Doma brûle la collection qui s’avèrera être celle de Togata.

Togata montre un vif intérêt pour les films. Ayant vécu plus de 300 ans, elle a vu de nombreux films dont Star Wars, Maman j’ai raté l’avion et bien d’autres (Die hard, Harry Potter, etc.). Ces films lui ont permis de tenir bon pendant les premières centaines d’années qu’elle a vécues, et ce jusqu’à ce que sa collection soit brûlée. Depuis, elle rêve de tourner un film et elle a enfin trouvé son héros : Agni ou Fire punch.

Les films jouent un rôle clé dans le scénario de Fire punch que ce soit comme but pour Togata ou bien comme motivation pour Surya (la sorcière de glace) qui souhaite faire périr le monde afin qu’il renaisse et qu’il tourne une nouvelle fin à Star Wars. Toutes ces manifestations du 7e art apportent à l’histoire un rythme, qui détonne parfois avec la l’histoire, et beaucoup de rebondissements.

Le 9e art

Dans le 9e art, la bande dessinée, et plus particulièrement dans les shonen, le lecteur s’attend à un déroulement classique. Le héros tombe, se relève et devient plus fort afin de battre le méchant. Cependant, dans Fire punch l’auteur est surprenant et imprévisible. Alors que le lecteur s’imprègne du style de l’auteur et qu’il commence à comprendre la direction que prend l’histoire, l’auteur rompt avec ce à quoi on s’attend et il repart dans une direction totalement inattendue et même déconcertante.

Le scénario

Cette imprévisibilité éblouit et fascine le lecteur, mais elle laisse une sensation de scénario mal construit. Les quatre premiers tomes sont bien aboutis et ils suivent le déroulement classique d’un shonen, mais à partir du 5e tome, c’est comme si l’auteur ne savait plus où aller. Lors d’une entrevue (Voir la fin des tomes 5, 6 et 7.), Fujimoto explique qu’il a délibérément construit son manga de cette façon, car il admire le déroulement de certains films coréens en particulier The chaser. En hommage à ce film, Fujimoto a conçu son intrigue de la même façon, laissant donc au lecteur ce sentiment de scénario mal construit. Pour certains, le déroulement inhabituel de l’histoire sera un irritant majeur, mais la qualité des dessins et la maîtrise des contrastes rendront l’arrêt de la lecture difficile.

The chaser est un film policier coréen. Dans ce film, le policier arrête le coupable après seulement 30 minutes. Durant le reste du film, le spectateur se demande ce qui va se passer et quel sera le dénouement.

Le dessin

L’audace de Fujimoto, que ce soit dans le scénario ou dans le dessin, lui permet de faire ressortir sa maîtrise des dessins complexes, des ombres et du contraste. Ces techniques, habilement employées, apparaissent clairement au moment des scènes crues, violentes et aussi celles où ses personnages sont en proie à d’intenses émotions. C’est notamment le cas dans les scènes de combats, la présentation de plusieurs personnages et lors des gros plans sur les personnages. Certains de ces gros plans montrent de manière forte le pouvoir du contraste et des ombres. Tantôt les flammes d’Agni prendront un aspect doux, tantôt un aspect brutal.

Le talent en dessin de l’auteur lui permet d’ajouter du mystère, de l’intrigue et des rebondissements durant les huit tomes de la série. À l’image du déroulement audacieux de l’histoire, Fujimoto choisit de conclure sa série de façon non conventionnelle. Bien qu’il suit son fil conducteur jusqu’à la fin, la conclusion que Fujimoto a choisie est plus symbolique et métaphorique que révélatrice. Cela laissera à certains lecteurs un sentiment doux-amer.

Conclusion

L’approche audacieuse privilégiée par Fujimoto pour son œuvre et la liberté d’expression accordée par son éditeur font en sorte que Fire punch ne s’interdit rien et qu’il nous fait vivre des émotions très fortes!

Vous adorerez ou détesterez cette série d’anticipation, mais aucun lecteur ne pourra rester indifférent lors de sa lecture.

Extrait : https://www.izneo.com/fr/manga-et-simultrad/seinen/fire-punch-simultrad-9294/fire-punch-chapitre-01-20804

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