NAKAGAWA, Kaiji. Route End : t. 3 à 5. Paris : Ki-oon, 2018.
Seinen, 8 tomes.
Aujourd’hui, pour des raisons pratiques, je vous présente mon avis sur le troisième, le quatrième et le cinquième tome de la série Route End dessiné par Kaiji Nakagawa.
4e de couverture



Tome 3
« Après avoir été menacé par End à son propre domicile, Taji décide de se rendre dans la ville natale de son ancien patron afin d’en savoir plus sur son passé. Il tombe alors nez à nez avec l’agent Igarashi, à qui on a confié la même mission… Ensemble, ils apprennent avec stupeur qu’en réalité, Koji Tachibana n’était pas l’homme qu’il prétendait !
De son côté, la police fait une étonnante découverte : l’ADN de l’homme au masque correspond à celui d’une des victimes ! Alors que l’enquête progresse, l’identité du tueur devient de plus en plus incertaine…
La chasse à l’homme est lancée ! Personnages complexes et meurtres mystérieux, tous les ingrédients sont réunis pour une enquête palpitante signée Kaiji Nakagawa, le nouveau talent du thriller psychologique ! »
Tome 4
« Grâce à ses récentes découvertes, la police sait désormais qu’End, le tueur masqué, aurait deux jumeaux. Mais il reste insaisissable… et continue à sévir : Omi, qui tentait de surmonter son traumatisme pour reprendre une vie normale aux côtés de Yuka, est retrouvé assassiné, le corps découpé en morceaux…
Dévastée par la mort brutale de son petit ami, la jeune femme s’isole et refuse l’aide de ses proches, jusqu’à disparaître complètement. C’est alors que l’enquête prend une tournure inattendue : le triplé C, soupçonné d’être End, aurait enfin été retrouvé !
La chasse à l’homme est lancée ! Personnages complexes et meurtres mystérieux, tous les ingrédients sont réunis pour une enquête palpitante signée Kaiji Nakagawa, le nouveau talent du thriller psychologique ! »
Tome 5
« Après l’agression d’lnukai durant l’investigation sur la mort du triplé C, retrouvé en morceaux en pleine forêt, la brigade criminelle est plus que jamais déterminée à mettre la main sur End. Pendant ce temps, Yuka, au comble du désespoir, tente de mettre fin à ses jours… avant d’être sauvée in extremis par le fantôme de son ancien patron !
De son côté, Noguchi découvre avec stupeur que les relevés d’empreintes de la scène du crime, qui établissaient un lien entre le triplé B et le cadavre des bois, ont disparu de la base de données de la police ! Kito identifie très vite le traître au sein de la cellule d’enquête et décide de remonter seul la piste du maître chanteur…
La chasse à l’homme est lancée ! Personnages complexes et meurtres mystérieux, tous les ingrédients sont réunis pour une enquête palpitante signée Kaiji Nakagawa, le nouveau talent du thriller psychologique ! »
Autre article sur le sujet
Premières lignes : Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6, Tome 7, Tome 8
Mon avis : Tome 1, Tome 2
Mon avis…
Cet avis sera séparé en trois sections, la première portera sur le deuil, la seconde sur l’enquête et la troisième sur le genre narratif.
Le deuil
Avant de commencer, mettons au clair un point. Je ne suis ni psychologue ni expert en la matière, je fais uniquement des liens et des recherches et je présente mon avis.
Dans mon avis sur le tome 1, j’ai mentionné que je traiterais des 7 stades ou étapes du deuil dans un article à venir. Ce temps est maintenant venu.
En 1969, la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross a publié un livre faisant état de ses observations auprès de centaines de patients atteints d’une maladie incurable. Ces personnes passent par 5 stades tous similaires, le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation.
Puis, diverses études en 1981, en 2002, en 2007 se sont penché sur les stades du deuil vécu par des centaines de famille. Ces études ont conclu que 11% des personnes endeuillées suivent les stades énumérés par Kübler-Ross. A posteriori, toutes ont révélé la même chose, des lacunes méthodologiques et des interprétations biaisées. Malgré cela, la façon de présenter les étapes est demeurée vivante. De plus, ces 5 étapes ont été réinterprétées et utilisées à toutes les sauces afin de donner naissance aux 7 stades maintenant largement répandus qui sont, le choc, le déni, la colère, la dépression (tristesse), la résignation, l’acceptation et la reconstruction.
En 2017, des chercheurs ont tenu à prévenir les professionnels de la santé que les 5 stades de Kübler-Ross s’appliquent uniquement aux malades en phase terminale, que ça varie d’une personne à une autre et que les stades peuvent ne pas être linéaires. Concernant les proches endeuillés, il ne devrait pas servir de norme, car ce modèle peut causer du tort à certains.
Malgré tout, les 7 stades sont couramment mentionnés comme source de référence pour le deuil d’un proche, d’un animal, d’une situation, d’un iPhone (Hé oui!), etc.
Vous me direz que c’est bien beau toute cette théorie, mais quel est le lien?
Le voici! Dans cette série, Kaiji Nakagawa utilise le deuil et, par rapprochement, la mort comme principales thématiques.
Dans Route End, de nombreux personnages sont traumatisés voire changés par les diverses expériences qu’ils ont vécues. Souvent, ils demeurent captifs d’un des 7 stades du deuil.
Le stade 1, le choc, n’est pas encore présenté dans les 5 premiers tomes. Donc je vous en reparlerai dans le dernier article…
Le stade 2, le déni, est présenté dans le tome 3, alors qu’il est question de l’inspectrice Akina Igarashi. Elle est hantée par la mort de son frère et le sosie de ce dernier habite en ville ce qui ravive la douleur et l’espoir que ce ne soit qu’un mauvais rêve. Puis, dans le tome 4, Igarashi finit par rencontrer ce sosi. À ce moment, elle pourra sortir du déni, lui dire un dernier adieu, tourner la page et se reconstruire (stade 7)
Le stade 3, la colère, est un mix particulier regroupant la colère contre l’être aimé, contre autrui et même contre soi-même (culpabilité). La colère est rencontrée chez plusieurs personnages, Akina Igarashi qui mordait son frère, Taji Haruno qui mordait Aoi Haruno et le plus marquant d’entre tous, Omi Kato. Dans le tome 1, l’on apprend que Omi Kato et Yuka Yanagime ont des relations sexuelles sur les lieux qu’ils doivent nettoyer. En lisant le tome 2, le lecteur se rend compte que c’est Omi qui a un problème, il a été traumatisé par la mort de sa famille dans un accident de voiture alors qu’il était le chauffeur en plus de développer une thanatophilie. Allant chercher de l’aide chez le psychothérapeute Ezaki, Omi se sortira de la colère, se pardonnera avant de se noyer au plus creux de sa tristesse (stade 4). Taji sera à ce moment non seulement la victime de la colère de Yuka, mais également de la sienne qui prendra la forme de regrets.
Le stade 4, la dépression (tristesse), est vivement ressentie dans le tome 4 par Yuka Yanagime après la mort de son compagnon, Omi Kato. Plongeant, elle aussi, au plus profond de sa tristesse, elle sera hissée à la surface par la réapparition inattendue de Koji Tachibana, leur défunt patron.
Le stade 5, la résignation, est également vécu par Yuka Yanagime. Alors qu’elle était plus jeune (tome 3), elle a appris qu’elle souffrait d’une maladie congénitale la rendant stérile. Ce premier deuil qu’elle a vécu l’a laissé entre le stade 5 et le stade 6, car son entourage demeure prisonnier du déni et n’accepte pas ce deuil.
Le stade 6, l’acceptation, est présenté dès le tome 1 par Kyoji Wakasa et la relation houleuse qu’il entretenait avec son père. Bien avant la mort de son père, Kyoji avait fait le deuil du père qu’il n’a jamais eu en méprisant son géniteur. Bien qu’il ait accepté la mort de son père idéal et qu’il ait accepté sa mort réelle, il n’a pas encore réussi à se reconstruire (stade 7).
Le stade 7, la reconstruction, sera vécu par plusieurs personnages tout au long de la série en commençant par l’inspectrice Akina Igarashi, puis Yuka Yanagime, puis Taji Haruno.
Outre les traumatismes figés à un stade du deuil que j’ai présenté, d’autres personnages vivront également des traumatismes et des deuils. Je pense, entre autres, à Yuta Haruno marqué par l’attaque d’End et au cancer de Aoi Haruno.
Toujours en lien avec la thématique de la mort, la tradition d’enseignement bouddhiste comprend une méditation bien singulière centré sur la mort. Comme l’aurait dit Buddha, « La mort est le meilleur professeur », puisqu’elle enseigne à être humble, qu’elle détruit l’orgueil et la vanité et qu’elle abolit les divisions entre les sexes, les cultures et les nationalités.
!Avertissement, les deux prochains paragraphes sont particulièrement macabres…!
Ce type de méditation et le sujet de la mort sont l’objet d’un art vieux de plusieurs centaines d’années appelé « Kusôzu ». Cet art est apparu vers le 13e siècle. Puis plus tard, un rouleau du 14e siècle intitulé « Kusôzu emaki » a contribué à faire connaître cet art macabre mettant de l’avant la peinture des 9 stades de la décomposition d’un corps. Cet art et cette méditation étaient utilisés dans la tradition bouddhiste afin que les futurs moines se détachent ou soient dégoûtés de l’aspect des corps (vivants ou morts) et de la sexualité afin de se concentrer sur l’éveil spirituel.
Bien que ces tableaux ne soient pas dépeints dans le manga, l’auteur met en scène Taji Haruno et les employés de Aum nettoyage aux prises avec des cadavres à tous les stades de la décomposition. Notons entre autres, le squelette sous le parquet, la scène avec le bain du tome 2 et les premières lignes des tomes 7 et 8.
Dans l’œuvre de Kaiji Nakagawa, on retrouve un débalancement des sentiments envers la mort ce qui amène la thanatophilie des personnages. La thanatophilie se caractérise par la fascination envers la mort ou ce qui y a trait. Par exemple, les cimetières, les temples, etc. Comme Taji Haruno, le personnage principal.
Tout au long de l’écriture de ce long segment sur le deuil, j’ai eu en tête une chanson nostalgique des Cowboys fringants qui, à mon sens, se veut une chanson d’espérance qui cadre relativement bien avec la thématique. Portez une attention particulière aux paroles d’Ici-bas…
Les étoiles filantes des Coboys fringants est également intéressante.
Ces paroles d’espoir font écho aux aspirations des personnages d’aller mieux et d’en finir avec leur deuil qui se trouve ponctué par l’enquête policière visant à trouver End.
L’enquête
Dans les tomes trois, quatre et cinq de la série, le lecteur fait des découvertes intéressantes qui permettront d’amener l’histoire à progresser.
Sans trop vous en dévoiler, les policiers perçoivent les erreurs d’autres policiers, ce qui pourrait grandement nuire à l’enquête. De plus, lors de l’enquête de proximité visant à mieux connaître Koji Tachibana, l’ancien propriétaire d’Aum Nettoyage, les policiers et Taji Haruno découvriront que Koji Tachibana est un pseudonyme.
Par ailleurs, d’autres éléments de l’enquête indiquent que celui qui se fait passer pour Koji Tachibana partage son ADN avec d’autres individus. Qui sont-ils? Est-ce que End vise l’entourage de l’ancien patron d’Aum Nettoyage? Ça, je vous laisse le découvrir… Néanmoins, il y a peu d’avancées dans l’enquête.
Le genre narratif
Bon! Vous vous en doutez, c’est une série policière, mais pas uniquement… À partir du tome 4, l’ADN de Koji Tachibana revient dans le décor ce qui a pour effet de brouiller encore les pistes de l’enquête. Au cours de ce tome, ce retour ADN se transforme afin de devenir un élément surnaturel qui se glisse dans l’histoire. À ce moment, l’on glisse du genre policier au genre fantastique.
Rappelez-vous, je vous en ai parlé dans Mon avis… Orignes (lien), il y a quelques semaines. Le fantastique se caractérise par l’irruption du surnaturel dans le monde réel ce qui rend la nouvelle fantastique puisqu’il y a une hésitation à accepter l’événement impossible qui se produit.
C’est exactement l’effet qui se produit dans le tome 4. Tous sont hésitants, ce qui transforme la série policière en série fantastique! Je n’aurais jamais imaginé une telle chose!
Conclusion
Les tomes trois à cinq de la série poursuivent l’énigmatique enquête qui se déroule dans une atmosphère de plus en plus lourde alors que le lecteur est happé par le tourbillon incontrôlable d’émotions véhiculées par l’histoire des protagonistes.
Toujours semblable et différent des autres tomes, l’histoire se fait moins macabre, mais plus endeuillée que les tomes précédents.
À ce stade de l’histoire, je n’ai aucune piste quant à l’identité d’End et je comprends davantage ides/les-etapes-du-deuil
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