QUINT, Michel. Effroyables jardins. Paris : Éditions Joëlle Losfeld, 2000. 62 p.
Chers lecteurs et chères lectrices,
Aujourd’hui, je vous présente mon avis sur le roman Effroyables jardins de Michel Quint publié aux éditions Joëlle Losfeld.
Durant le temps des Fêtes, j’ai vu le film Effroyables jardins avec Jacques Villeret, Thierry Lhermitte et André Dussollier. Ce film est une adaptation du livre du même nom, que j’ai lu en janvier 2023, écrit par Michel Quint.
4e de couverture

« Certains témoins mentionnent qu’aux derniers jours du procès de Maurice Papon, la police a empêché un clown de rentrer dans la salle d’audience. Il semble que ce même jour, il ait attendu la sortie de l’accusé et l’ait simplement considéré à distance sans chercher à lui adresser la parole. L’ancien secrétaire général de la préfecture a peut-être remarqué ce clown, mais rien n’est moins sûr. Par la suite l’homme est revenu régulièrement sans son déguisement à la fin des audiences et aux plaidoiries. À chaque fois, il posait sur ses genoux une mallette dont il caressait le cuir tout éraflé. Un huissier se souvient de l’avoir entendu dire après que le verdict fut tombé :
-Sans vérité, comment peut-il y avoir de l’espoir ? »
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Mon avis…
Petite digression pour commencer cet avis. Je me souviens que dans mon cours de français de secondaire 5, nous avions analysé une chanson et que, grâce aux indices laissés dans la chanson, nous avions pu situer en quelle année se déroulaient les événements de la chanson.
En partant du même principe, j’ai réussi à situer à quel moment le fils entend la révélation de l’implication de son père (André) et de son ami (Gaston) dans la Résistance. Ce moment est révélé dans le livre grâce au film Le pont (adapté d’une autobiographie) de Bernhard Wicki qui a pris l’affiche en France en mars-avril 1959.
Bernhard Wicki est un réalisateur, un acteur et un ancien soldat Allemand de la Seconde Guerre mondiale posté en France. Le père de Michel Quint l’a connu, d’où l’élément déclencheur qu’est le film Le pont.
Genre littéraire
Jusqu’à présent, je mélange la fiction (André et Gaston dans la Résistance) et la réalité (Bernhard Wicki et le film Le pont) pour une simple raison. Ce roman est une autofiction, soit un récit autobiographique romancé où les noms et les lieux ont été changés.
Narré par lui-même, Michel Quint, l’auteur a posé sur le papier les ressentiments et les souvenirs qu’il garde de cette période où il haïssait les augustes (Voir le Glossaire sur les clowns). Son sentiment a changé le jour où il a appris la vérité sur l’effroyable jardin de son père et de son ami et où il a compris le devoir de mémoire auquel son père s’assujettissait.
Style
Ce livre est court (62 p.) et touchant par les implications sous-entendues. En peu de texte et de descriptions Michel Quint étale sur le papier une vieille affaire de famille. Écrit comme si on suivait le fil de sa réminiscence (souvenirs), cette anecdote familiale dévoile les pensées et les tourments que le fils ressentait quand il ignorait le drame et aussi après l’avoir su.
Je dois dire qu’au premier abord ce style de narration ne m’a pas séduit. C’est trop fil de pensées et introspectif à mon goût. Puis, lorsque le visionnage du film Le pont prend fin, c’est Gaston (l’ami du père) qui se charge de la corvée de raconter leur histoire au fils, j’ai trouvé que la narration change et qu’elle se met à glisser d’elle-même tout en nous emportant dans l’histoire. Les pages se mettent alors à tourner d’elles-mêmes. Finalement, au terme du récit de Gaston, la narration redevient comme au début et cela m’a à nouveau moins plu.
Dans tous les cas, c’est un sentiment personnel. À vous de voir si le type de narration vous convient.
Vocabulaire
En plus du style de narration avec lequel je ne suis pas familier, le texte est truffé de termes que je qualifierais de proprement européens. Le lecteur rencontre en premier les termes : Dyna Panhard, Citroën DS, Peugeot, Simca, Étoile Six bicolore. Heureusement, il est mentionné que la Dyna Panhard est une bagnole. J’en ai donc déduit que c’était des voitures parce que je n’aurais pas su de quoi il s’agissait.
En plus de ces termes typiquement européens, le texte est ponctué de sobriquets, termes péjoratifs ou argotiques concernant les Allemands. À ce moment, j’ai eu l’idée de chercher ces termes que je devinais être employés pour désigner les Allemands. Tout au long du texte, 8 termes sont utilisés! Les allemands, les schleus ou chleus, les frisés, les boches, les fridolins, les fritz, les vert-de-gris et les wehrmacht. J’en suis encore sans mot! Que de variété!
Si le coeur vous en dit, cherchez ces 8 mots. Leur définition et leur origine vous surprendront!
Film
Je vous disais en début d’article que j’ai découvert Effroyables jardins par le film. Entre le film et le livre, il existe beaucoup de différences et quelques ressemblances. En voici quelques-unes.
Dans le film, le fils n’a pas besoin de dire quoi que ce soit afin que les spectateurs se rendent compte qu’il n’aime pas les clowns voire son père en clown. Cependant, dans le livre, tout est écrit avec force dégoût et haine envers les clowns uniquement. À la lecture du livre, la scène du film devient plus claire et plus parlante. Le livre et le film deviennent donc complémentaires.
Dans le film, André (Gaston dans le livre) (l’ami du père), blessé par l’attitude du fils envers le rôle de clown de son père, se charge de remettre les pendules à l’heure en expliquant leur histoire. Or, dans le livre, le père et Gaston (André dans le film) ont convenu que Gaston raconte leur histoire après le visionnement du film Le pont. Dans le film, l’attitude est un peu moralisatrice comme s’il disait : « tu ne sais pas ce qu’il a vécu… », mais dans le livre, l’attitude est celle d’aveu. J’ai préféré l’approche du livre.
Le pont est totalement omis dans le film. L’unique mention de Bernhard Wicki dans le film est son rôle de soldat et de clown. Or, dans le livre, Le pont et son auteur sont les catalyseurs qui déclenchent la scène où Gaston conte leur histoire dans la Résistance. J’ai préféré l’approche du livre.
Par ailleurs, autant dans le livre que dans le film, Bernhard Wicki fait le clown afin de rendre la détention des protagonistes moins pénible. Cependant, dans le film Wicki meurt de façon tragique et gratuite et je le déplore. Néanmoins, la scène du mini accordéon avec le rappel à la fin, c’est un coup de génie! Dans le livre, le lien entre Wicki et le père qui fait le clown est plus ténu que dans le film. C’est pourquoi je préfère l’approche du film, et ce malgré la mort de Wicki.
Dans le film, André et Gaston font exploser une station d’aiguillage de train et ils causent, involontairement, la mort d’un homme d’une cinquantaine d’années faisant une veuve. Or, dans le livre, il s’agit d’une station de transformation d’électricité et d’un homme d’un âge semblable au sien. J’ai préféré l’approche du livre, car une petite surprise additionnelle s’ajoute.
Bref, beaucoup de ressemblances et de différences. À vous de déterminer si vous préférez le film ou le livre ou si vous trouvez que le film et le livre enrichissent la perception de cette histoire basée sur la réalité.
Conclusion
Un jardin est pour plusieurs un paradis zen, mais Michel Quint vient y apposer le terme « effroyable ». La proximité de ces deux termes aux antipodes crée un oxymore où le jardin devient une source de préoccupation, de stress et de menace.
Au fil de la lecture, le lecteur découvre les pensées qui sont dévoilées dans ce récit d’autofiction. Commençant en présentant un fils vivant une haine envers les clowns, celui-ci est invité par Gaston (l’ami du père) à découvrir son jardin et celui de son père. Plus il entrera dans le jardin, plus le jardin se dévoilera effroyable et inoubliable…
Je dirais que l’œuvre se sépare en trois parties : l’introduction où l’on découvre le fils et sa haine des augustes, le corps de l’histoire du père et de son ami, puis la conclusion.
Après avoir vu le film et lu le livre, je pensais pouvoir dire laquelle des deux œuvres ou quelles parties je préférais. Toutefois, bien que j’aie des préférences tantôt pour le livre, tantôt pour le film, je dirais que le meilleur portrait possible se révèle après avoir lu le livre et vu son adaptation cinématographique. Le mélange des deux apporte un petit plus qui sublime et qui dévoile davantage l’histoire.
Je pense que ces deux œuvres demeurent enrichissantes à découvrir!
Bande annonce du film
Livre = Film = Réalité
Lucien = fils = Michel Quint
André = Gaston = Ami du père de Michel Quint
Jacques = André = Père de Michel Quint
J’ai relu l’an dernier ce petit texte et je suis curieuse, à te lire, de redécouvrir le film !
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Bonne redécouverte dans ce cas!
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